Une vieille histoire de famille

Un jour, ma mère me donna à lire un livre en anglais, à la reliure défraîchie. Le titre en était  « The Baroness de Bode, 1775 – 1803, » édité à Londres en 1900. « C’est l’histoire d’une lointaine aïeule anglaise émigrée en Russie, » ajouta-t-elle. Pages après pages, je découvrais l’aventure fantastique et tragique, parfois drôle, souvent émouvante d’une ancêtre à la sixième génération, dont la correspondance adressée à sa famille en Angleterre avait été éditée au début du siècle dernier.

Cette publication, basée également sur des Mémoires inédits à l’époque, répondait à une mode typiquement anglaise. Il existait un public friand pour ce genre d’ouvrage, comme les Mémoires de la célèbre baronne alsacienne Marie d’Oberkirch, contemporaine de la baronne de Bode, qui parurent d’abord en traduction anglaise avant d’être publiés dans la langue de leur auteur.

De 1775 à 1812 et au-delà, je me mis à vivre une suite d’événements, d’aventures et de dangers issus de la période la plus troublée de l’histoire de l’Europe, engendrée par la Révolution française et l’ère napoléonienne. J’accompagnais cette surprenante aïeule de l’Angleterre aux Pays-Bas autrichiens, la Belgique d’alors, ensuite vers les landgraviats allemands et l’Alsace, à la veille de 1789, pour fuir lors de la grande terreur de 1793 vers des cieux lointains à Saint-Pétersbourg dans la Russie de Catherine II, des tsars Paul Ier et Alexandre Ier. Si cette aventure se termine par le décès de l’auteur en 1812, quelques semaines avant l’incendie de Moscou alors que les troupes de Napoléon ont envahi l’ancienne capitale, la suite devient l’histoire d’une saga familiale.

Un fief en Alsace, juste avant la Révolution française

L’an de grâce 1775  : Mary Kynnersley, une demoiselle anglaise de la High Society épouse à Londres un baron allemand, Karl-August von Bode, officier au service de Louis XVI, roi de France. Le couple connaît la vie classique des garnisons au gré des affectations de Dunkerque à Sarrebruck. Sans oublier les cousins belges des Pays-Bas autrichiens, le ménage est partout bien accueilli, notamment auprès de certaines principautés et margraviats du Saint Empire germanique, avec qui plusieurs membres de la famille du baron de Bode entretiennent des relations de confiance.

Auguste et Mary

Mary Kynnersley (1747-1812) et Auguste de Bode (1741-1797)

En 1787, Auguste de Bode est mestre de camp (colonel en second) du régiment de Nassau-Sarrebruck, régiment allemand au service du roi de France. Après 30 années de vie militaire, il vend sa charge de colonel à un fils du richissime banquier suisse, Georges-Tobie de Thellusson, associé à Jacques Necker, futur ministre des Finances sous Louis XVI. Il pense pouvoir vivre de ses rentes et jouir d’une vie de famille tranquille et paisible. Mais c’est sans compter sur l’impulsion infatigable de son anglaise d’épouse qui lui fait acheter une saline en Basse-Alsace à Soultz-sous-Forêts, situé entre Wissembourg et Haguenau. Peu de temps après, Auguste de Bode acquiert le fief du même nom, à la suite du décès de son dernier titulaire, Charles de Rohan, prince de Soubise, maréchal de France et frère du cardinal François-Armand, second des quatre cardinaux de la famille Rohan.

La Révolution française éclate et huit mois après son investiture, le baron de Bode, nouveau Seigneur de Soultz, perd tous ses privilèges  : il n’est plus que le citoyen Bode, lourdement taxé et cible désignée des tribunaux patriotiques  ! Jusqu’à l’exode massif de 1793, les Bode qui entre-temps auront mis au monde une famille nombreuse, vivront tous les dangers et mille et une frayeurs. La frontière allemande est toute proche : ils la traverseront à maintes reprises, puis reviendront … pour repartir ensuite en catastrophe.
Les lois contre les émigrés sont impitoyables : toute personne, noble ou non, abandonnant son domicile pour un temps indéterminé, est déclarée émigrée  et tous ses biens sont confisqués. Tandis que le noble qui reste, risque l’emprisonnement et … la guillotine  !

Une soeur du baron, Louisa von Bode, est abbesse du chapitre noble du couvent d’Altenberg près de Wetzlar en Allemagne. Avec l’aide de l’abbesse et certains margraves allemands des environs, la famille fuit l’Alsace et s’installe provisoirement à Altenberg.

Exil et installation en Russie

C’est là qu’elle apprend que la tsarine Catherine II ouvre toutes grandes les portes de la Russie aux émigrés français. Mary de Bode, armée seulement de son courage et de sa témérité, nantie de plusieurs lettres d’introduction de la part des cours allemandes pour la Cour de Russie, sans presque un sou vaillant, part en reconnaissance jusqu’à Saint-Pétersbourg. Elle y est royalement accueillie par Catherine II, sa Cour et sa coterie. La famille sera ensuite dotée de terres, propriétés et charges officielles. Toute la bonne société russe dont l’hospitalité a toujours été proverbiale, la reçoit à bras ouverts.

Au décès de Catherine II, Mary reste en bons termes avec Paul Ier, le tsar au cerveau malade. Après l’assassinat de ce dernier, elle sera la protégée de sa veuve, née Sophie-Dorothée de Wurtemberg. C’est ensuite la jeune Louise de Bade, devenue Elisabeth Alexeïevna, épouse d’Alexandre Ier, le nouveau tsar, qui étendra sa bienveillance sur la famille.

3 tsars

Catherine II – Paul Ier – Elisabeth Alexeïevna, épouse d’Alexandre Ier

La baronne Mary de Bode meurt en 1812. Après le Congrès de Vienne, son fils aîné, né en Grande-Bretagne et donc de nationalité anglaise, ensuite le fils de celui-ci, tenteront désespérément de récupérer le fief de Soultz-sous-Forêts mais sans succès. Ils perdent santé et fortune dans un interminable procès qui durera plus de 45 ans et deviendra une Cause célèbre, unique dans les annales judiciaires britanniques ! Sous les prétextes les plus fallacieux, jamais les autorités de la Perfide Albion n’accepteront d’indemniser les Bode, alors que la France avait versé des sommes substantielles au gouvernement de Sa Majesté afin de dédommager les anciens propriétaires, victimes des confiscations opérées en France durant la Révolution. L’écoeurement est total  dans la presse et l’opinion publique. On ira même jusqu’à accuser ouvertement, et non sans raison, le roi George IV d’Angleterre d’avoir fait effectuer d’importants travaux d’agrandissement à Buckingham Palace avec les fonds destinés à indemniser les Bode  !

Correspondance et Mémoires

Toutes ces aventures sont racontées en détail par la baronne : elle correspondait régulièrement avec sa famille en Angleterre. Et à la fin de sa vie, Mary de Bode rédigera également ses Mémoires car, écrit-elle  :

My dear Sister

Mais en paraphrasant deux mémorialistes célèbres, nous dirons comme la comtesse de Choiseul-Gouffier qui eut quelque renommée auprès de Napoléon et du tsar Alexandre Ier, “écrire ses Mémoires, c’est rebroder de vieux habits dont l’étoffe est toujours la même…” La comtesse de Boigne, pour qui les arcanes de Versailles n’avaient pas de secrets, craignait que ses souvenirs n’intéressent personne. Aussi, pour conjurer le sort, elle débute par un vibrant  :

Au lecteur, s’il y en a …”     

Nicolas d’Ydewalle
descendant à la sixième génération d’Auguste et de Mary de BodeGénéalogie WEBPRESS

Généalogies autour des barons de Bode

Au départ de Jacob Bode (1585-1653), natif d’Aix-la-Chapelle, environ 5.500 descendants (conjoints compris) ont pu être répertoriés dans la mesure où l’on dispose d’informations suffisantes, ce qui est le cas pour les vieilles familles européennes et moins pour les autres dont les données récentes sont régies par une obligation légale de confidentialité.

Aujourd’hui, la descendance Bode se retrouve disséminée un peu partout dans le monde, sauf sans doute en Chine et au Japon. Elle est multinationale et multilingue : allemande essentiellement, française, russe, anglaise, italienne, espagnole et scandinave … d’où de nombreux textes et illustrations en plusieurs langues, nécessitant quelques connaissances linguistiques ou l’aide de Google Translate.

La généalogie autour des barons de Bode se décline en plusieurs parties :

  • elle débute par une Jacob Bode Short Descendancy Chart qui reprend (à titre d’information) l’ensemble des 5.500 (et quelques) descendants Bode avec uniquement les noms et les dates.
  • on passe ensuite au tronc principal  Jacob Bode Illustrated Descendancy qui reprend (en 2 parties) la descendance avec un maximum de textes et d’illustrations.

1A. Jacob Bode – Illustrated Descendancy

1B. Jacob Bode – Illustrated Descendancy

Issus de parents protestants ayant fui la France pour l’Allemagne, les descendants Bode sont docteurs en droit, professeurs en sciences juridiques, recteurs d’académies universitaires, conseillers de Cour et ministres d’Etat. Ils publient de nombreux ouvrages scientifiques. Deux frères, Heinrich et Justus Wolrath von Bode, sont anoblis puis baronifiés en 1707 et 1713.

  • de ce tronc principal sont issues plusieurs branches latérales, nécessitant des fichiers séparés :

1.1. von Bode – von Halem – Illustrated Descendancy

Originaires de Westphalie et de la Frise de l’Est, les Halem sont juristes, pasteurs, médecins, négociants en vins, professeurs ou chercheurs universitaires.

1.2. von Bode – Bismarck – Illustrated Descendancy

La descendance du chancelier Otto von Bismarck se lit comme un livre d’histoire. De grandes pages côtoient de moins bonnes : celles qui ont contribué à l’histoire de l’Allemagne et celles qui font la une de la presse people.

1.3.1. von Bode – Werkamp – Illustrated Descendancy

1.3.2. von Bode – Werkamp – Illustrated Descendancy

1.3.3. von Bode – Werkamp – Illustrated Descendancy

Une très nombreuse descendance (en 3 parties) par suite d’un double mariage. Partiellement allemande, elle est largement scandinave. Une grande partie de la bonne société du Nord y est représentée. On en épinglera deux qui se seront illustrés d’une manière particulière : Sixten Sparre, amant d’une artiste de cirque, la fameuse Elvira Madigan ; Anna Sparre qui fut la confidente de la reine Astrid de Belgique et qui laissa un ouvrage « La Reine Astrid, mon amie à moi ».

1.4.1. de Bode – de Trazegnies – Illustrated Descendancy

1.4.2. de Bode – de Trazegnies – Illustrated Descendancy

1.4.3. de Bode – de Trazegnies – Illustrated Descendancy

Si les marquis de Trazegnies sont une famille illustre en Belgique, leurs alliances le sont tout autant. En 1727, le mariage entre une baronne de Bode, jeune veuve bien nantie, et un marquis de Trazegnies, célibataire et sans le sou, sera suivi d’une très nombreuse descendance (en 3 parties) où sont représentées nombres de veilles familles princières, royales et impériales, tant en Europe qu’au delà des océans.

1.5. August & Mary de Bode – Illustrated Descendancy

Héros malgré eux d’une fantastique aventure qui les fera émigrer d’Alsace en Russie suite aux aléas de la Révolution française, tous deux seraient aujourd’hui d’illustres inconnus si Mary n’avait pas laissé à la postérité ses Mémoires et sa correspondance qu’un historien britannique eut l’heureuse idée de publier en 1900 à Londres.

1.5.1. Clément de Bode – Illustrated Descendancy

Si Clément de Bode fait une entrée triomphale à Paris en 1814 à la tête de son Corps de Cosaques, la suite des événements est moins réjouissante. Lui et son fils perdront santé et fortune dans une vaine tentative de récupération du fief parental de Soultz-sous-Forêts, alors que la France avait été contrainte de verser de lourdes indemnités en faveur des émigrés spoliés par la Révolution française. Un procès (perdu) contre le gouvernement de Sa Majesté qui durera plus de 45 ans, durant lesquels les journaux iront même jusqu’à accuser ouvertement George IV d’Angleterre d’avoir fait effectuer d’importants travaux d’agrandissement à Buckingham Palace (baptisé « de Bode Palace ») avec les fonds destinés à indemniser les Bode.
Une branche anglaise disséminée en divers endroits (Angleterre, U.S.A., Afrique du Sud) ainsi que parmi les anciens territoires de l’Empire Britannique.

1.5.2. Henri de Bode – Illustrated Descendancy

Général d’artillerie et ingénieur, Henri de Bode fera breveter un système de retenue de chaînes pour ancres de navire. Si sa descendance est principalement russe, les descendants actuels se retrouvent aux Etats-Unis et en Amérique du Sud. Ces derniers sont toujours porteurs du nom « de Bode » sans plus de titre par suite de la législation américaine en matière d’immigration.
Comme d’autres, leurs parents s’étaient engagés comme volontaires dans l’armée allemande dans le but de combattre les Bolcheviques avec l’espoir d’un retour au pays.
Surnommée en Russie la « Walkyrie blanche », Sophia de Bode est sans conteste la descendante la plus médiatisée pour être tombée héroïquement en 1918, à la tête de son escadron au sein des forces blanches luttant contre les troupes bolcheviques. Elle avait tout juste 21 ans. 

1.5.3. Charles Alexandre de Bode – Illustrated Descendancy

Bien que sa descendance soit fort réduite, Alexandre de Bode offre une originalité à plus d’un titre. Jeune, il est le compagnon de jeu du futur poète Alexandre Pouchkine. Après ses études, il sera chargé par le tsar de relancer l’industrie viticole moribonde en Crimée. Puis, il recueillera chez lui la comtesse de La Motte-Valois, fuyant la justice de son pays sous le nom de comtesse Gachet après avoir trempé dans la tristement célèbre affaire du collier de la reine Marie-Antoinette.
La descendance actuelle en Macédoine porte toujours le nom « de Bode », sans plus de titre par suite des vicissitudes endurées durant le régime communiste.

1.5.4. Marie de Bode – Illustrated Descendancy

Demoiselle d’honneur à la Cour de Saint-Pétersbourg, Marie de Bode épouse le consul général d’Espagne don Antonio de Colombi. Une descendance nombreuse et sympathique que l’on retrouve principalement en Argentine mais également en Suisse et en France d’où émerge la célébrissime comédienne de théâtre Myriam de Colombi, propriétaire du Théâtre Montparnasse à Paris.

1.5.5. Felix de Bode – Illustrated Descendancy

Officier dans un corps d’armée badois faisant partie des armées napoléonniennes, Félix va se retrouver un court moment, lors de la bataille de Leipzig en 1813, engagé contre son frère Louis-Léon (Lev Carlovitch), lui-même guerroyant au sein des troupes russes !
Aîné d’une descendance principalement allemande et lombarde, l’une des pièces rapportées est le colonel Jules Repond, commandant de la Garde Pontificale au Vatican qui remettra en usage le célèbre uniforme dessiné par Michel Ange.

1.5.6.1. Lev Carlovitch de Bode – Illustrated Descendancy

1.5.6.2. Lev Carlovitch de Bode – Illustrated Descendancy

Pour avoir été au bon moment et au bon endroit, mon ancêtre Lev Carlovitch (Louis-Léon) sauva d’une mort certaine son commandant en chef le comte Emmanuel de Saint-Priest, gravement blessé lors de la bataille de Guttstadt en 1807. Un acte jugé héroïque qui lui vaudra pour la suite de sa carrière de hautes fonctions officielles …
Principalement russe, sa descendance comprend aujourd’hui plusieurs nationalités par suite de l’émigration causée par la révolution bolchevique : belge, italienne, américaine, française et anglaise. Où l’on rencontre le compositeur Serge Prokofiev et toute sa descendance ainsi que Serge Soukhotine qui participa à la liquidation de Raspoutine …

1.5.7. Frederica de Bode – Illustrated Descendancy

Demoiselle d’honneur de la princesse Amélie de Bade dont la soeur Elisabeth Alexeïevna était l’épouse du tsar Alexandre Ier de Russie, elle aura une descendance allemande par son mariage avec le baron Konstantin von Gebsattel.

1.5.8. Clémentine de Bode – Illustrated Descendancy

Préceptrice de la princesse Aldegonde de Bavière, elle aura été l’épouse de Franz von Livio, banquier alsacien à Saint-Pétersbourg. Sa descendance est également allemande.

4 commentaires pour

  1. bonjour, merci pour votre site
    vous avez ajoute mon genealogie de famille harter (quirin heinrich pfeil est sa mére christiana beata von bode) merci.

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  2. Oliver Rost dit :

    Dear Sir
    Thank you very much for your wonderful website.

    Anuncio de la Subsecretaría (División de Derechos de Gracia y otros Derechos), sobre solicitud de sucesión en el título de Conde de Colombí

    Cliquer pour accéder à BOE-B-2018-28499.pdf

    Best regards
    Oliver Rost

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  3. Guillaume dit :

    Bravo pour le travail de grand qualité réalisé sur ce site.
    L’histoire de votre famille, aussi passionnante au regard de la grande Histoire que du point de vue de l’art, est absolument passionnante !

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